SD – Truly Blessed (2014)
L’un des seuls albums studios réalisés durant la courte période de la drill mania avec Finally Rich de Chief Keef et Trappin Ain’t Dead de Fredo Santana, il s’agit également de manière globale d’un projet innovant qui ouvre de nouvelles perspectives à la trap. L’album est annoncé par la sortie du clip Circles tourné dans une église. La première piste, Confident, très énergique, est produite par Sonny Digital et est principalement portée par un refrain très appuyé: « I think I’m just too confident, confident / Too much five-o im out for the shit, Godzilla shit / Dont get confused and get left in a ditch / Tryna make sense, I’m cocky I dont run off limit / Hulk Hog shit, I think I’m just too confident » (« Je pense que je suis juste trop sûr de moi / Trop de condés je suis dehors pour cette merde, cette merde de Godzilla / Ne te fais pas avoir et laisser dans un fossé / J’essaye de comprendre, je suis arrogant mais je dépasse pas les bornes / Cette merde de Hulk Hogan, je pense que je suis trop sûr de moi »). On retrouvera d’autres morceaux énergiques qui sortent moins des canons de la drill tels que Clockwork (également co-produit par Sonny Digital), D.R.U.G.S., Private Party (produit par notre compatriote Cash Money AP) et Loyalty. Pourtant, même sur Clockwork le rappeur parvient à innover en utilisant dans l’instrumentale des sonorités de cornemuse qui s’adaptent très bien au morceau. L’innovation se fait principalement sur des morceaux autotunés et quasi-chantés tels que Saved Me, Gossip et bien sûr le fameux Circles, où SD dévoile son talent musical et sa capacité à créer des mélodies à la fois originales, entrainantes et entêtantes.
ChHi The Prynce – Black History Project (2014)
« I’m from where the dudes rob and argue all day about / Who’s the best MC? Cyhi, Stacks or T.I / While doggin’ the GBI / My bad I love Jeezy / But I’m still the best to ever do it and I ain’t even put a CD out » (« Je viens de là où les gars braquent et débatent route la journée / Pour savoir qui est le meilleur MC, CyHi, Andre 3000 ou T.I? / Pendant que le Département d’Enquêtes de Géorgie me recherché / Pour ma part j’aime Jeezy / Mais je reste le meilleur à l’avoir jamais fait et j’ai même pas sorti d’album »), c’est de cette façon que CyHi The Prynce, artiste du label de Kanye West G.O.O.D Music, présente les choses dans la troisième piste de cette mixtape de 18 titres, intitulée Huey. En tout, 6 morceaux ont été clipés, Guitar Melody, Huey, It Is Me, 3:16 et surtout Napoleon et Mandela qui en termes d’imagerie sont manifestement les plus intéressants. Tant en termes de maitrise technique sur des morceaux comme Be Great et 3:16 qu’en termes d’écriture sur quasiment tous ses morceaux, notamment Napoleon et Black Pride, CyHi se révèle être l’un des rappeurs les plus talentueux et les plus sous-estimés de sa génération. Sur Basquiat, CyHi révèle sa vision de l’art et dévoile une culture et une compréhension assez impressionnantes. Dédié entre autres à l’histoire de l’émancipation afro-américaine, le projet s’articule aussi autour de titres dédiés à des figures de ce mouvement telles que Nelson Mandela, Huey Newton et Coretta Scott King. On retrouve peu de collaborations avec des artistes célèbres hormis la participation de Jon Connor et Marian Mereba, en revanche le rappeur a invité un grand nombre de chanteuses telles que Miloh Smith, Kissie Lee Tate Dumonde et Crystal Renee.
Audio Push – The Good Vibe Tribe (2015)
Les rappeurs du label de Hit-Boy HS-87 s’étaient déjà fait remarquer en 2013 avec leur mixtape Comme As You Are et notamment pour le hit Shine. Pour ce projet de 14 pistes, un seul extrait clipé, le très énergique et technique Reppin. Parmi les featurings, on retrouve un grand nombre d’artistes Californiens tels que G-Eazy, Vince Staples et Casey Veggies — en effet le duo semble attaché à son identité californienne comme il l’affirme dans Reppin « Now we bout to blow, just let ’em know the west is back, yup » (« Maintenant on va péter, dis leur juste que le West est de retour ») — mais aussi Isaiah Rashad du label de Kendrick Lamar T.D.E., OG Maco et le rappeur de Washington Fat Trel. Musicalement, le projet s’oriente vers le boom bap caractéristique du duo, mais s’oriente parfois sur des mélodies très entrainantes sur des morceaux comme Ask Me, Reppin et B.O.W Down, qui par ailleurs se révèle être l’un des morceaux phares du projet. Sur Mary Jane, Normally ou Mind Trap en revanche, les sonorités douces ne sont pas sans nous rappeler leur projet précédent déjà évoqué, Comme As You Are. Le featuring avec OG Maco, Heavy, se révèle être une excellente surprise, en effet la présence du rappeur d’Atlanta dont le style est si différent de celui du duo californien force ces deux derniers à se renouveler et à adopter un modèle musical jusqu’alors inédit. Varié, original et très bien travaillé, The Good Vibe Tribe est pour le moment l’une des meilleures mixtapes de l’année.
Da Mafia 6ix – Watch What U Wish… (2015)
Après deux mixtapes intitulées 6ix Commandements et Hear Sum Evil, la formation de Memphis revient avec un album de 19 pistes dont 6 ont été clipées en incluant le remix de Gimmi Back My Dope avec Snootie Wild ; les vidéos de Forever Get High, You Can’t, Hundid Thou Wow et High Like An Eagle sont des street clips assez basiques, d’ailleurs ce dernier a simplement été tourné au moment de la soirée de sortie du projet, en revanche la partie clipée du morceau Residence Evil semble plus prometteuse dans le style ténébreux et satanique du groupe, mettant notamment en scène des actes de torture et de cannibalisme. Le groupe reprend les éléments de ses succès passés, des thématiques sombres, des voix rocailleuses et un univers très ghetto, mais sacrifie sur plusieurs morceaux les basses caractéristiques de la Three-6 pour adopter des lignes à la guitare qui leur permettent de se renouveler. On retrouve avec plaisir les membres du groupe, et on a la bonne surprise de trouver à leurs côtés Lil Infamous, le fils de feu lord Infamous qui se révèle sur You Can’t avec une voix et un flow très similaires à ceux de son père: la relève est assurée. Sur Why Must I Sweat da Track la 6ix s’essaye à un refrain chanté avec succès, tandis que sur Residence Evil l’instrumentale conserve les tonalités traditionnelles du devyl shit de Memphis.
Rob Sonic – Alice In Thunderdome (2014)
Issu du label Def Jux fondé par El-P, qui a également sorti en 2014 un projet qui lui a reçu un accueil enthousiaste, Run The Jewels 2, Rob Sonic travaille depuis le début des années 2000, que ce soit en solo sur des projets tels que son album Telicatessen ou encore au sein de la formation Sonic Sun. L’année dernière, le rappeur originaire du Bronx a dévoilé Alice In Thunderdome, un nouvel album dans lequel il explore des sonorités originales tout en restant fidèle à l’identité musicale new-yorkaise. Seulement deux featurings pour un total de 11 pistes, dont un avec Aesop Rock, son complice au sein du duo Hail Mary Mallon, et l’autre avec le rappeur Breeze Brewin du groupe Juggaknots. Rob est également à la prodcution de la plupart des morceaux de son album, ce qui lui permet de maintenir une ligne musicale très particulière, entre le sample et le hip-hop du Bronx, des sonorités proche de l’électro et l’usage d’instruments comme la basse qui ne sont pas sans rappeler par certains aspects des morceaux de rock. Un seul extrait clipé, qui est également l’introduction de l’album, intitulé Jesus Christ Super Tramp, dont la vidéo qui joue essentiellement sur un aspect sobre se focalise sur le visage du rappeur qui débite de manière quasiment inerte son texte, tout en jouant sur un contraste entre des teintes grises et rouges. En fait, le clip de Rob n’est justement pas sans rappeler celui du morceau Run The Jewels du groupe éponyme. L’album démarre fort, avec notamment Gorf et Killjoy, mais loin de stagner en deuxième partie il prend vraiment son envol à partir de la septième piste intitulée Happy And Disco puis continue sur sa lancée avec deux excellents morceaux, Not For Nothing et surtout Student Bodies sur lequel il adopte des sonorités quasiment space music. Sur plusieurs pistes, on ressent directement l’influence des Beastie Boys sur Rob Sonic. Au niveau des textes, le rappeur n’est pas en reste, entre la richesse de son vocabulaire et de ses références et des jeux de sonorités récurrents qui enrichissent son écriture.