11 avril 2016, un rappeur dont certains sont trop jeunes pour connaitre le nom fait son grand retour sur YouTube. Sofiane aka Fianso lâche le premier épisode de sa nouvelle série #JeSuisPasséChezSo tourné à La Castellane à Marseille. Un peu plus de deux ans plus tard, le rappeur à la coupe gominée, au phrasé cru et aux punchlines acerbes a tout conquis et a réalisé un hold-up jusque là inédit dans le rap français, dépassant même ses frontières. Des projets auréolés de multiples certifications, une émission qui met en avant les nouveaux talents rap dans des sessions freestyles, son propre label chez Capitol (Universal Music France), un rôle dans une pièce de théâtre, un projet réunissant la crème du 93 et désormais un rôle au cinéma : Fianso est à l’affiche de Frères Ennemis, en salles depuis le 3 octobre.
➡️ David Oelhoffen à la réalisation d’un film noir français destiné à la nouvelle génération
Frères Ennemis est un film réalisé par le français David Oelhoffen. Pour résumer rapidement, le film raconte l’histoire de Driss et Manuel, interprétés respectivement par Reda Kateb et Matthias Schoenaerts, deux amis d’enfance ayant grandi dans la même cité mais qui ont fini par emprunter des chemins bien différents : le premier est flic aux Stups quand le second les trafique. Pendant 1h51, on suit donc la croisée de ces chemins sur font d’une affaire de trafic de cocaïne impliquant plusieurs clans aux motivations diverses.
➡️ Un film de « gueules » qui tire sa force de son ambiance anxiogène et pesante
Sur le papier, on se rapproche plus du classique film français de gangsters et mafieux que du scénario de l’année, mais c’est la distribution, la réalisation et le traitement qui permettent à Frères Ennemis de se démarquer. C’est avant tout un film de « gueules », ces visages marqués, personnages charismatiques qui peuvent faire vivre une scène uniquement par leur présence et parler sans pourtant sortir une seule réplique. Ces gueules, ce sont Reda Kateb, Matthias Schoenaerts, Fianso et bien d’autres encore. Ils participent tous au côté brut du long métrage, et par leur gestuelle, leurs mimiques et leur présence, installent un côté anxiogène qui se ressent tout le long du film pour le spectateur. Ce côté anxiogène est appuyé aussi par un faux rythme alternant entre scènes calmes du quotidien et pics de violence, par une musique et une ambiance pesantes, par un traitement des couleurs froid et qui ne laisse jamais place à la joie et la bonne humeur, ainsi que par une manière de filmer qui nous fait brutalement entrer dans l’action.
➡️ Sofiane acteur, quand le personnage musical et le vécu sont retranscris sur grand écran
Venons en maintenant au personnage de Fouad, campé par Fianso. Le rappeur nouvellement acteur est-il aussi à l’aise à l’écran que derrière un micro ? Dans Frères Ennemis, Fianso interprète un rôle qui lui colle à la peau, plutôt proche de son univers et de son caractère. C’est donc sans étonnement ni difficulté qu’il parvient à être crédible dans ce nouveau domaine. Fouad est un mec de cité, mêlé à des histoires bressom et qui essaye tout simplement de s’en sortir. Sans aller jusque dire que le personnage lui colle à la peau, Fianso joue ce rôle assez naturellement et sans jamais forcer le trait jusqu’au cliché. L’intelligence de David Oelhoffen a été d’aller chercher un mec de cité pour camper un mec de cité, logique… A l’image des autres personnages, Fouad ne s’étouffe pas avec les répliques mais Fianso a justement réussi à lui ajouter un charisme et étoffer son personnage avec notamment une gestuelle particulière qu’on lui connaît bien. On pourrait presque croire que Fianso a mis une partie de soi-même dans le fictif. Pour ceux qui viennent voir le film pour Fianso, vous pourrez même avoir le sentiment que le film a encore plus besoin de lui quand il n’est pas à l’écran, regrettant presque qu’il tienne seulement ce rôle « secondaire ».
Malgré quelques scènes un peu longues qui peuvent parfois ralentir le film, et une opposition des deux personnages principaux pas toujours assez poussée ni sincère, Frères Ennemis s’en tire plutôt bien dans sa catégorie. Sans être le film de la décennie, il vient rafraîchir un genre que l’on connaît bien dans le cinéma français. Il se trouve d’ailleurs être en lice pour le Lion d’Or à la Mostra de Venise. En embarquant Fianso dans l’aventure, David Oelhoffen fait un choix fort pour ce film et le résultat est au rendez-vous. Encore une fois, l’hyperactif s’en sort bien et impose sa présence sans bénéficier d’un premier rôle. Il est dans son élément, surprend par son jeu naturel et confirme par son charisme. Fianso fait carton plein dans les bacs, sur les planches, et maintenant sur grand écran, et ça fait plaisir à voir ! Avec ce rôle, il va s’ouvrir des portes et on attends désormais de voir comment il s’en sortira dans des rôles moins taillés pour lui, et plus atypiques. Affaire à suivre pour l’affranchi de Blanc-Mesnil…