Si un producteur devait faire un choix entre les trois membres de la MZ, Jok’Air serait certainement le favori. La voix au refrain de la MZ est capable de proposer des sons entêtants et surtout marquants. Le désormais ancien membre du groupe de Chevaleret l’a prouvé à plusieurs reprises, sur les sons ayant rencontré le plus de succès populaire. Doté de cette faculté à se rendre populaire et efficace, Jok’Air n’est-il pas en train de devenir l’une des futures superstars de la musique Française ?
La fin de l’aventure de la MZ
Après une dizaine d’année de collaboration, l’aventure de la MZ (composée de Hache-P, Dehmo et Jok’Air) a stoppé net à la fin de l’année 2016. Trois mois plus tard, la raison de cette disparition n’a toujours pas été dévoilée. Au-delà des raisons de ce coup d’arrêt brutal pour le groupe de Chevaleret, leurs supporters ne verront probablement jamais l’album en préparation Mafia Zeutrei. Ce projet restera sûrement bloqué dans un disque dur durant des années, à prendre la poussière, mais malheureusement cela fait partie des aléas du rap français et de l’approfondissement de la découverte du milieu par la MZ. Le groupe de Chevaleret, managé par Davidson, a tout connu depuis 2009, cet avortement de projet n’est au final qu’une anecdote de plus.
Les cinq tournants de la carrière de la MZ :
- 2013 : L’association entre KDB’Zik (label des Sages Poètes de la Rue signé chez Sony) et Davidson Presents
- 14 février 2014 : Sortie de Lune de fiel, le premier single qui les fait découvrir au grand public
- 4 mai 2015 : Affaires de famille le premier album de la MZ est dans les bacs
- 3 décembre 2016 : La MZ est le premier groupe de rap à se produire au Bataclan depuis sa réouverture
- 23 décembre 2016 : 10 jours après leur séparation, chaque membre de la MZ annonce sur ses propres réseaux sociaux que leur dernier album La Dictature vient d’être certifié disque d’or.
L’aventure se clôture donc en beauté avec l’obtention de ce fameux disque d’or. Certains auditeurs se demandaient si la MZ aurait réussi à décrocher (de nouveau) cette récompense. Malheursement, je ne possède ni roulotte, ni boule de cristal, de ce fait, estimons que ce disque d’or est surtout idéal pour le lancement de la carrière de Jok’Air ! Avant la séparation de la MZ, certains auditeurs évoquaient déjà l’envie de le voir évoluer en solo. A cela, il y avait 3 raisons.
Concernant la première raison, la voix au refrain de la MZ donnait toujours satisfaction lorsqu’il était invité (seul) sur des projets extérieurs (Déjà Mort avec la Ténébreuse Musique et Rap Game Nuit sans fin en compagnie de Hyacinthe).
L’autre raison concerne toujours ses apparitions extérieures, le chanteur de la MZ était amené sur des univers musicaux atypiques pour lui. Cela a montré que Jok’Air réussissait à s’adapter, en permanence, sur des productions différentes comparées au confort que pouvait lui apporter la MZ.
La 3ème raison amène à une comparaison avec Hache-P et Dehmo. Ces derniers étaient bons techniquement mais ne dégageaient pas la même aura qu’un Jok’Air. Les deux premiers pouvaient être considérés comme banals, à l’image de nombreux rappeurs, mais Jok’Air avait l’avantage de réaliser l’intégralité des refrains très efficacement.
La complémentarité du trio originaire de Chevaleret était à vanter, la mentalité Boys Band facilitait cette fusion entre Hache-P, Dehmo et Jok’Air. Une mentalité de groupe s’était instaurée en atteste cette comparaison faite par Jok’Air, dans leur featuring avec Alkpote : « On roule à 3 comme les 2be3, repose en paix Filip Nikolic, Nouveau Boysband dans cette industrie ».
Les rumeurs insistantes sur les solos de chaque membre laissaient penser que chaque membre tracerait sa route de son côté, tout en se réunissant de temps à autre pour faire vivre le groupe MZ (à l’instar des Psy 4 de la Rime). Cependant, dans le rap, ce qui transparaît devant la caméra est bien différent en coulisses, nous en avons eu la preuve, une fois de plus…
Sens du timing ou hasard des choses?
Concernant Davidson, qui a prouvé à maintes reprises ses compétences en gestion humaine et marketing, il a décidé de tracer sa route en compagnie de Jok’Air. Le manager historique de la MZ a le sens du buisness, il semble encore l’avoir eu décidant de développer la voix de la MZ.
Sens du timing ou hasard des choses ? La MZ s’est séparée à la fin de l’année 2016, riche en consécrations, et donc à l’aube de l’an 2017. Une nouvelle année peut être synonyme de nouvelles résolutions et de nouveaux projets, était-ce également un terrain de jeu idéal pour lancer en solo le rappeur qui a fait tous les refrains d’un groupe qui venait d’être disque d’or et qui était en pleine expansion ? Sans aucun doute, oui !
Evidémment le début de l’aventure Big Daddy Jok a été facilité par la notoriété de la MZ, qui a fait ses preuves sur 2014, 2015, 2016, et fraichement auréolée d’un disque d’or. Ce serait être dans le déni de prétexter qu’il y a tout à bâtir, puisque Jok’Air continue sa collaboration avec Sony et son manager n’aura pas besoin de se creuser la tête pour gravir les échelons du milieu rap.
En tout cas Jok’Air semble bien entouré pour faire du buisness, entre Davidson (qui le coache depuis ses débuts) et Sony (2ème major de France), un paramètre que beaucoup de rappeurs négligent, surprenant… C’est donc en cette année 2017 que Jok’Air réalise ses premiers pas en solo, avec le projet Big Daddy Jok qui verra le jour le 24 février 2017.
Dès le premier jour de l’année, Spri Noir sort un featuring avec Jok’Air, aux sonorités surpenantes et assez déroutant pour le grand public. C’est important d’avoir un délire qui est propre, mais en avoir un trop particulier n’est pas pour autant une bonne chose. Certains rappeurs aux univers atypiques ne réussisent pas à se faire comprendre, en dehors de leur fan base, et ce n’est vraisemblablement pas l’objectif de carrière que s’est fixé Jok’Air.
L’objectif est d’exploiter l’espace médiatique, le plus tôt possible, sans perdre de temps, et ne pas faire oublier Jok’Air, à une période où les carrière peuvent rapidement décoller ou couler.
Un positionnement de nouveau rappeur
D’ailleurs la stratégie de communication de Jok’Air est intéressante, basée sur le fait d’évoquer le moins possible la MZ afin d’asseoir un positionnement de nouveau rappeur et non d’ancien chanteur de la MZ. De toute façon, lui-même n’a pas à l’évoquer étant donné que sa parenthèse en groupe est logiquement évoquée à chaque apparition médiatique.
Dès le 20 janvier, le premier clip (et son du coup) de Jok’Air était envoyé sur YouTube, les réactions étaient mitigées, probablement dues à l’adaptation à un nouveau produit. Le style du morceau est à la fois particulier et atypique, mi chanté, mi rappé, sur une prod simpliste. Il est vrai que ce n’était pas forcément le choix idéal de premier single mais Jok’Air souhaitait sûrement avant tout montrer son univers plutôt que d’envoyer un hit, dès le départ.
Lorsqu’un rappeur met la barre très haute, dès le départ, il est dur d’égaler les performances, surtout sur un premier son. L’auditeur restera sur cette image et aura du mal à s’en décoller. L’originalité de C’est la guerre prouve dès le départ que le projet sera différent et varié, personne ne s’attendait à avoir 7 sons ressemblant à celui-ci sur l’EP, surtout au vu du potentiel technique de Jok’Air.
Le premier extrait de l’EP est donc sorti 1 mois avant la mise en ligne sur les plateformes de téléchargement légal de Big Daddy Jok.
Pour prolonger le parallèle entre Jok’Air, Hache-P, et Dehmo, le second avait sorti un son (en solo) une semaine auparavant On revient de loin, qui avait rencontré un certain succès auprès des amateurs de rap. En effet, Hache-P a ramené un son frais, accompagné d’un univers particulier. Ce qui peut être surprenant au vue du manque de charisme qui lui avait été reproché sur certains sons. Sur les sonorités, Hache-P reste dans la tendance actuelle, sans recherche très profonde non plus. Néanmoins, le premier son est efficace.
Les réactions des auditeurs sont différentes entre ces deux sons, celui de Jok’Air ayant dénoté, au contraire de celui de Hache-P qui a convaincu. Précisons que cela n’est absolument pas représentatif de quoi que ce soit.
Quelques semaines plus tard, l’ancien trio de la MZ fait de nouveau parler de lui. En effet, Hache-P, profitant du bon accueil qu’avait reçu On revient de loin, ressort un nouveau son, sobrement intitulé OK. Cependant, le succès est moindre sur ce son, puisqu’il stagne à 150 000 vues, 1 mois et ½ après sa diffusion.
Lire notre retour sur Y’a d’la Dope (remix) de Hache-P
Il est trop tôt pour affirmer que Hache-P avait fait autant de vues grâce au facteur nouveauté, bien que, pour ses débuts, Dehmo ait également atteint le million de vues avec Désolé. Ce même Dehmo qui a sorti un autre son ce 22 mars intitulé Crimes. Dehmo se fait plus rare, et il faudra suivre sa progression dans le temps, afin de dresser un bilan.
Du moins, Dehmo semble plus ouvert musicalement que Hache-P, et du coup peut aller sur des terrains qui lui permettraient de toucher un public plus large.
Lire notre rétrospective de la MZ
Davidson, l’élément moteur de la MZ?
Revenons en à Jok’Air, lorsqu’il a sorti le second extrait de son EP Abdomen, qui a dépassé le million de vues en un mois, histoire d’être complet sur les chiffres. Ce son mi-rappé/mi-chanté montre une nouvelle façette de Jok’Air, deux extraits, deux ambiances différentes. Ajoutons à cela que Jok’Air avait déjà auparavant annoncé la sortie de son projet, ce qui pouvait susciter un engouement supplémentaire afin d’imaginer la couleur du projet.
Jok’Air et son équipe ont eu la bonne idée de proposer du contenu (certes seulement 7 titres) seulement 1 mois et demi après ses véritables premiers pas solo. Cela nécessite un planning organisé et une communication millimétrée. Evidemment, il est plus facile pour un artiste encore signé en major d’avoir ces moyens de développement, plutôt qu’un rappeur passant de la maison de disque à l’indépendance.
D’ailleurs si un parallèle est dressé entre les trois artistes de Chevaleret, la communication de Jok’Air est la plus efficace, est-ce la preuve que Davidson était peut-être l’élément moteur de la MZ ? Les méthodes de management de Davidson semblaient porter ses fruits avec la MZ étant donné qu’elle n’a cessé de franchir les palliers, ce qui serait impossible sans une bonne gestion derrière.
Passons directement à la sortie de l’extrait le plus marquant, à savoir La mélodie des quartiers pauvres, sur un sample du groupe Indochine (à vérifier mais cela me semble l’être), Jok’Air chantonne son spleen sur une mélodie simple, ajoutant une touche de soul avec les voix au refrain.
Ces mêmes voix au refrain qui montrent que Jok’Air touche à tout et semble être un mélomane qui ne recule devant aucune forme de musique. Le succès auprès de son public est unanime, de bon augure pour la sortie de son projet gratuit qui verra le jour une semaine plus tard.
Quant au sample d’Inodchine, sur lequel je suis revenu, Jok’Air aurait pu avoir les droits étant donné que le groupe de rock français fait partie des artistes signés chez Sony. En tout cas, si Jok’Air a utilisé ce sample, il a compris l’intérêt d’être en major et de profiter de tous leurs avantages, rares sont les artistes qui ont profité de ce genre de privilège.
Un projet très éclectique
Concernant le projet Big Daddy Jok sorti le 24 février: un format court, 3 sons sur 7 étaient déjà connus, mais surtout… Quel éclectisme! Sur les 7 pistes, ce sont 7 ambiances différentes, et les enchaînements sont logiques. Ce projet est à l’image d’une journée de 24 heures dans la vie de Jok’Air, les thématiques lui sont propres : ses relations avec les femmes, la vie d’artiste, son idéal féminin, la drogue et l’alcool afin de méditer, les femmes, le basket, et les femmes.
Quant à la construction du projet, l’introduction Big Daddy Jok est très énergique et convient parfaitement pour entamer une dure journée, idem pour La mélodie des quartiers pauvres sauf que celle-ci est adaptée à la fin de journée. Les cinq autres sons du projet peuvent être interchangeables en fonction des heures de la journée et des humeurs.
Cependant, ce projet peut être écouté à n’importe quel moment d’une journée, à l’image d’une vie d’artiste qui est imprévisible dans le temps, sauf au lever et au coucher, soit à l’introduction et à l’outra. Bien que la MZ ait formé Jok’Air, celui-ci semble bien plus décontracté et bien plus libre sur le projet Big Daddy Jok. En même temps, cela peut sembler logique étant donné que c’est son projet et qu’il n’a plus de concessions à faire.
Certains critiquent Jok’Air en le taxant de produit marketing, il est vrai que sa communication est millimétrée, surtout la gestion de son image et de sa notoriété, mais il faut aller au-delà, et se plonger sur le plan artistique.
Musicalement et à l’heure actuelle, personne ne fait comme Jok’Air, en reprenant des inspirations musicales autres que celles du rap, pour ensuite les fusionner avec ses aptitudes de chanteur/rappeur. D’ailleurs, il est possible de se demander si l’homme au refrain des voix de la MZ est plus un chanteur ou un rappeur, la frontière est tellement fine désormais qu’il est difficile de la cataloguer dans telle ou telle case.
En revanche, Jok’Air, à l’instar de nombreux rappeurs, semble s’être inspiré de la vague d’Atlanta en rappant/chantant des choses crues sur des productions douces et légères. D’ailleurs, c’est aussi la force de Jok’Air de réussir à mélanger plusieurs influences pour se forger une identité propre.
Casser les codes, s’intégrer au paysage du rap français
En tout cas les codes sont cassés mais le projet est intemporel, ce temps d’arrêt est d’ailleurs propre à de nombreux rappeurs Parisiens. D’ailleurs Jok’Air correspond totalement à l’idéal parisien du moment, sur l’attitude vestimentaire notamment. Son image lui permet de l’identifier à une certaine époque afin d’équilibrer l’intemporalité.
En 2017, l’absence d’autotune dénote par rapport à la tendance, mais quand on sait chanter à quoi cela sert ? Pour certains logiciel permet de lancer des carrières, pour d’autre (comme Jok’Air) cela est superflu. De ce fait l’autotune n’est-il pas utilisé dans certains sons du rap français afin de sauver les meubles? La question mérite d’être posée.
Certaines personnes de l’industrie estimaient que Jok’Air était fait pour devenir un artiste, plus que ses anciens compères de la MZ. Ces mêmes personnes louaient son attitude envers les fans, Jok’Air était très proche d’eux, n’hésitant pas à aller discuter avec eux, les rencontrer, bref une véritable communion. En tout cas, Jok’Air était considéré comme la personne la plus ouverte, ce qui est toujours positif pour un artiste, est-ce que son destin ne serait pas tracé depuis ses débuts dans la musique ?
Un mois après la sortie de son projet, celui-ci a été écouté plus de 2 millions de fois, on a vu pire comme démarrage de carrière. La suite ? Idéalement et logiquement, Jok’Air devrait clipper l’intégralité de l’EP étant donné que Davidson est assez friand de ce format.
Ajoutons à cela que ce serait deux clips de plus à réaliser afin d’occuper l’espace médiatique. D’autant que la suite de sa carrière semble se diriger vers la sortie d’une mxitape avant l’été. Admettons qu’elle sorte avant l’été, la promotion se ferait un mois avant (la norme du rap français en 2017), de ce fait Jok’Air pourrait pleinement exploiter le projet Big Daddy Jok et enchaîner avec la phase de communication autour de sa mixtape.
A titre personnel, je souhaiterais que Jok’Air réalise cette mixtape tel un américain, invitant (sans lésiner) des rappeurs inattendus. Par inattendus, j’entends connus, pas connus, des univers différents du sien. Cela permettrait à Jok’Air de s’adapter davantage, et d’être encore plus polyvalent en entrant en immersion dans le rap français.
Sa mixtape ne serait probablement pas calquée sur le même format que Big Daddy Jok étant donné qu’une quinzaine de sons très éclectiques peut être un choix déroutant sur un format autre que 7 titres, et autre que la carte de visite.
En tout cas des featurings ont déjà été enregistrés avec certains rappeurs (Sadek et Mac Tyer, notamment), ce qui montre que Jok’Air semble réussir à plaire au rap français en plus de l’évolution de ce milieu. Il y a dix ans, un rappeur qui aurait chanté tel Jok’Air n’aurait sûrement pas été invité par certains rappeurs français, par peur de ne pas passer pour un « vendu », effectivement les mentalités étaient étriquées.
Jok’Air est certainement le rappeur le plus intéressant de ce début d’année, tout est fait pour qu’il connaisse le succès, que ce soit son talent ou l’appui de sa major, il sera impossible de passer à côté de la voix de la MZ, prouvant que celle-ci n’est pas définitivement morte, et continuera de vivre à travers chacun des membres.
Sens du timing ou hasard des choses? si je dis pas de conneries les membres était sensé sortir le troisième album et se lancer chacun en solo