Le 14 avril 2017, Kendrick Lamar dévoilait en grande pompe DAMN., son quatrième album qui s’accompagnait de trois featurings aux antipodes les uns des autres : Rihanna, U2 et… Zacari. Entre une superstar mondiale et d’un groupe de rock mythique, le jeune Zacari Pacaldo, de son vrai nom, fait assez pâle figure aux yeux du grand public. Pour autant, cette collaboration sur le morceau LOVE. n’est pas totalement une surprise lorsqu’on s’y intéresse de plus près. Zacari avait déjà collaboré avec TDE en 2016 sur les morceaux What’s Wrong d’Isaiah Rashad et Raw (backwards) d’Ab-Soul. De plus, son manageur n’est nul autre que Moosa Tiffith, le fils d’Anthony Tiffith, fondateur et boss de TDE. Dès lors, les liens étaient tissés. Fort de cette collaboration, dont le clip cumule aujourd’hui à 80 millions de vues sur YouTube, et d’une fan-base développée sur SoundCloud depuis plusieurs années, Zacari a dévoilé son premier projet le 15 mars dernier.
La sortie de cet EP de 6 titres intitulé Run Wild Run Free coïncide avec sa signature au sein de Top Dawg Entertainment. Pour pousser auprès du public ce premier projet, Zacari a notamment dévoilé le mois dernier le titre Don’t Trip, que l’on peut qualifier de single efficace grâce à ses mélodies entêtantes mais paradoxalement assez triste puisqu’évoquant les difficultés d’une relation frustrante, entre jalousie et conflit sur fond de « je t’aime moi non plus ». Intelligemment choisi, cet extrait résume bien l’univers de Zacari et surtout son procédé créatif : des morceaux aux sonorités assez chaleureuses voire parfois dansantes, permettant de mieux dissimuler la mélancolie qui enivre sa musique. Une recette que le jeune homme maîtrise bien et que le monde du rap/R&B a amplement utilisé ces dernières années, à l’image par exemple de Lil Uzi Vert et son hit XO Tour Llif3.
➡️ Un premier projet savamment façonné à l’image de l’univers de Zacari
Dès les premières écoutes, Run Wild Run Free s’impose comme un projet particulièrement bien pensé pour servir de porte d’entrée à la musique de Zacari. On y découvre un EP (logiquement) court et sans temps mort qui permet de se prendre de plein fouet le plus bel atout artistique du jeune chanteur : sa voix de tête aérienne qui frappe de singularité et dont le timbre n’en est que magnifié par la minutie du travail de MixedByAli, l’homme à l’origine du mixage et du mastering de tous les projets de TDE ces dernières années. Coté homme de l’ombre, il faut aussi souligner le travail de Teddy Walton, producteur ou co-producteur de 4 des 6 titres du projet et qui avait déjà démontré tout son talent en composant notamment LOVE. de Kendrick Lamar et King’s Dead de Jay Rock. Sur Run Wild Run Free, Teddy Walton offre à Zacari des productions catchy et minimalistes qui permettent à la voix si particulière du jeune californien de prendre toute la place pour briller.
Visuellement, que ce soit via ses clips ou sa cover, Run Wild Run Free insiste sur un symbole de la vie et la personnalité de Zacari : le loup. Il a expliqué que la pochette du projet a été photographiée à l’iPhone dans une réserve animale française et que le choix des loups se traduit notamment par ce qu’ils symbolisent : l’indépendance d’esprit, la liberté et la solitude, trois thèmes qui marquent l’EP au fer rouge. Évidemment, le plus gros sujet évoqué au travers des 6 titres restent bien évidemment l’amour, chanteur de R&B oblige. Mais plus que des thèmes, c’est avant tout un état d’esprit que l’artiste veut offrir à son public, comme il l’explique à Billboard : « Je veux que les gens aient le sentiment d’écouter quelque chose de libre, comme s’ils recevaient une bouffée d’air frais avant de retourner dans le vrai monde. »
➡️ Une porte d’entrée efficace mais inachevée pour un artiste en construction
Malgré tous les bons points qu’il faut accorder à Zacari, Run Wild Run Free n’est pas exempt de tous reproches. Aussi bien pour un manque de personnalité parfois perceptible qu’une écriture générique par séquence, le chanteur de 22 ans montre bien qu’il a encore des progrès à faire et qu’il propose une musique aussi douce qu’agréable mais loin d’être parfaite. Son R&B vulnérable, fleur bleue, fougueux et jeune dans l’esprit n’est pas sans rappeler Khalid, l’un des nouveaux chouchous des radios américaines grâce à son mélange efficace de R&B et de pop mais à qui on peut faire les mêmes reproches. Mais comme pour Khalid, les défauts de la musique de Zacari ne devraient clairement pas l’empêcher de briller et trouver son public, bien aidé par le travail de fond que son prestigieux label va continuer d’exercer sur lui.
Toujours au sujet de son label, il faut d’ailleurs noter que l’on ne retrouve pas de membres de TDE au travers de la tracklist, ce que le principal intéressé a justifié, toujours auprès de Billboard : « J’ai essayé d’avoir des couplets de tout le monde. (rires) Mais c’est juste qu’ils sont très occupés. On a toutefois fait beaucoup de musique ensemble et il y a des moments où on a fait des trucs très cool mais ce ne sont pas des choses qui collent avec ce que l’on voulait pour nos projets. Quand les morceaux seront en adéquation, vous les entendrez. Je ne veux pas sortir des morceaux simplement parce qu’il y a un couplet de ScHoolboy Q ou Kendrick. Je veux quelque chose de spécifique, de classique en devenir avec ces mecs. Quand je sortirai un morceau avec ces artistes, je veux que ce soit vraiment spécial et surtout pas forcé. » Pas de panique donc, ne n’est que partie remise.
Maintenant qu’il a pu poser les premières pierres d’une palette R&B intéressante à travers un projet qu’il a développé sur 3 ans, Zacari va s’atteler au premier véritable challenge de sa jeune carrière : son premier album sur lequel il planche déjà. Il ne s’agira plus forcément d’une bonne surprise pour les fans mais d’un chanteur qui devra confirmer les espoirs et les attentes qui sont placés sur tous les artistes estampillés TDE. Avec sans doute des morceaux plus personnels et définitifs et des collaborations prestigieuses, il sera intéressant de suivre de près la sortie de ce premier long format. En attendant, Run Wild Run Free a de quoi servir d’amuse-bouche plus que satisfaisant.