Au cours de ses quinze années de carrière, Dosseh a définitivement placé son département sur la carte du rap. Fer de lance de la scène Orléanaise, il a été récemment certifié disque d’or avec son premier album Yuri et se rapproche actuellement du disque de platine. Certains singles du projet ont également été certifiés, à savoir le hit Infréquentables en featuring avec Booba et le puissant Putain d’époque avec Nekfeu. Muet comme une tombe pendant plus d’un an et demi, le rappeur revient tout en finesse avec un second album intitulé VIDALO$$A, plus abrupt et acerbe que le précédent. Avec son premier extrait Habitué, aux antipodes des sorties précédentes, Dosseh déverse ses états d’âme dans un texte profond et introspectif sur une prod au piano des plus mélancoliques. Pour autant, détrompez-vous si vous pensez que l’auteur de la cultissime punchline « saoule pas avec tes histoires de cœur ma sœur / ou au pire accepte le sexe anal / ça te fera toujours moins mal que d’être seule » (Freestyle Holy Water) a rendu ses lettres de noblesse…
➡ De l’ombre à la lumière ? L’énième confirmation que tout vient à point à qui sait attendre
Longtemps reconnu par ses pairs pour sa plume recherchée et incisive, le parcours de l’Orléanais n’a pas été de tout repos. Les médias généralistes nationaux se sont toujours concentrés sur les citadelles du rap hexagonal telles que Paris et sa banlieue, et épisodiquement Marseille. Redoubler d’efforts était donc le seul moyen pour les rappeurs provinciaux d’éviter le chemin de croix. A partir du milieu des années 2000, la montée en puissance des plateformes de streaming vidéo a permis d’accroître la visibilité de certains de ces artistes et a indéniablement conduit vers une décentralisation du rap qui a trouvé son apogée en 2013/2014. Entre 2008 et 2015, Doss’ a balancé de nombreuses mixtapes et peut même se targuer d’avoir réalisé en 2013 un film en totale indépendance, Karma, avec une bande originale regroupant une flopée de rappeurs en vue comme Niro, Sofiane, Bassirou et Escobar Macson. L’heure de la cloche sonne avec sa dernière mixtape en date Perestroïka, qui malgré un succès commercial mitigé (5.000 ventes en première semaine) lui ouvre de nouvelles portes. Avec 12.705 ventes en première semaine, VIDALO$$A est le premier vrai succès de cette lente ascension, et promet grâce au potentiel en streaming du projet de projeter Dosseh à un niveau inédit.
➡ Une plongée dans l’univers de Dosseh, une ouverture au grand public et aux nouvelles stratégies marketing
Né de la rencontre de Daniel Marhely (Deezer) et de Patrick Holzman (Allociné) avec la bénédiction Xavier Niel (Free), Blackpills est probablement l’une des expériences médiatiques les plus suivies de France du fait de sa ligne éditoriale disruptive. C’est également sur Blackpills que l’avènement du second opus de Dosseh VIDALO$$A est mis à l’honneur grâce au documentaire Vie d’un Lossa, qui retrace la carrière de l’Orléanais depuis ses débuts. On y retrouve divers rappeurs et beatmakers, qui ont tous participé de près où de loin à la réalisation de l’album. D’une pierre deux coups, ce documentaire est un cadeau de bienvenue pour les non-initiés qui viennent de découvrir le rappeur avec son ogive sonore Habitué, mais aussi de remercier ses auditeurs de la première heure qui lui ont toujours apporté le soutien escompté. Les documentaires développés par Damso sur Au coeur du Lithopédion ou encore Mister V, également en collaboration avec Blackpills, sont un modèle de marketing particulièrement intéressant pour les artistes urbains puisqu’il leur permet d’immerger l’auditeur dans la conception du projet et donc de prolonger l’expérience d’écoute. Préfiguré par Karma, ce tournant consiste plutôt pour le rappeur à mettre en osmose s capacité naturelle à projeter son univers au-delà de la musique à de nouveaux supports.
➡ Un nouveau rappeur misogyne ? De l’importance des degrés de lecture des textes de rap
En un claquement de doigts, bon nombre de rappeurs se sont vu attribuer une étiquette de « misogyne », de Damso à Orelsan, parfois au prix de mouvements de carrière très avantageux. Le second degré est la clé de voûte de la compréhension entre l’auditeur et le rappeur. Les interprétations extérieures ont tendance à reposer sur des tournures de phrase sorties du contexte du morceau ou du personnage de l’artiste, qui, de ce fait, emmènent débats et polémiques. Malgré tous les inconvénients que cela risque d’entrainer, Doss’ n’hésite pas à sortir des morceaux au texte vraiment très cru, la cinquième piste du projet intitulée Ma keh à moi en tête de liste, en témoignent les paroles virulentes du refrain (« Ma plus belle pute, ma tass’ préférée / Les meilleures pipes et les meilleures branlettes ») ou encore celles du dernier couplet (« C’est ton cul, ton clito, c’est ta mouille / Après tout c’est toi c’est pas moi qu’ça souille »), mais aussi Toit du monde (« J’ai pisté son boule d’élite / J’la baiserai si elle mérite ») et Paris en août (« Dis à ta pute de me rejoindre, j’suis sur le parking si elle aime les sucettes à la viande »). Caractérisé par des textes très imagés, la plume de Dosseh est l’un des ingrédients de sa longévité dans la musique, sans pour autant que l’artiste renonce à la retravailler ou à livrer des réflexions sur le sujet.
➡ La trahison, point d’ancrage de la discographie de Dosseh et thème récurent de VIDALO$$A
Après le clip très rythmé d’Abel et Caïn, troisième extrait de son premier opus Yuri, qui mélangeait bromance idyllique et scènes ultra-violentes, Dosseh revient sur l’un des sujets qui lui tient à cœur : la traîtrise et les coups bas. Une fois de plus, le projet regorge de phrases axées sur les traîtres en tout genre, notamment dans le morceau en featuring avec Booba MQTB (« Rancunier m’souviens d’chaque crasse »), le titre éponyme Vidalossa (« J’compte plus le nombre de fois où j’fus trahi »), ou encore la quatrième piste A chaque jour (« Jadis frère qui aujourd’hui dans l’ombre œuvre pour ma chute ») pour ne citer qu’eux. Dosseh avouera même avoir « eu quelques déceptions de la part d’amis très proches que l’on considère comme frères »… Sa conception ad vitam aeternam de l’amitié restera qu’elle est un sentiment plus noble que l’amour, d’autant plus que le rappeur se considère comme une personne très rancunière pour qui la trahison d’un proche est un véritable crève-cœur.
Dosseh s’apprête à partir en tournée dans la France entière, une série de concerts qui se clôturera à l’Olympia de Paris en janvier 2019. Beaucoup de sons du projet semblent d’ailleurs été travaillés spécialement pour l’occasion. Le rappeur décide donc de mettre les bouchées doubles et part à la rencontre de son public ; l’opus bénéficiera d’une exposition plus importante et atteindra peut-être l’objectif du disque de platine que Dosseh se fixe dans Vidalossa.