Le 20 février dernier, nous publiions un article évoquant le retrait du catalogue d’Universal Music Group de TikTok, et les conséquences probables qui pouvaient en découler pour ces deux géants. Entre volonté de réaffirmer sa supériorité et désir économique, ce sont plus de 7 millions de chansons qui se retrouvent au cœur d’un bras de fer où la musique passe au second plan.
Alors que le catalogue d’enregistrements distribués d’UMG n’est plus sous licence depuis le 1er février, les chansons faisant partie de la branche Publishing de la major ont disparu depuis 1er mars.
Un changement relatif pour les artistes
Malgré l’impossibilité de publier leurs chansons sur la plateforme chinoise, les artistes du roster d’Universal parviennent tout de même à les diffuser en redoublant d’inventivité. Par exemple, le 15 février, le snippet d’une collaboration à venir entre Post Malone et Luke Combs se retrouvait sur TikTok. Bien que le morceau soit signé sur Mercury/Republic Records, (filiale d’UMG), cette vidéo, comporte un audio qui n’est pas sorti officiellement, lui permettant donc d’échapper à l’interdiction de diffusion.
Cet exemple démontre le changement de stratégie qu’opèrent les artistes pour continuer de faire vivre leur musique sur la plateforme. Les chanteurs n’hésitent pas à transformer leurs morceaux, en modifiant le BPM des instrumentales, ou bien par le biais de versions acoustiques, empêchant donc leur major de bloquer l’audio de ces vidéos. Pour l’heure, TikTok reste le réseau social principal pour faire découvrir sa musique, en raison de l’importance prépondérante de l’audio, là où ses concurrents (Youtube Shorts /Instagram Reels) ont pour usage principal la consommation vidéo pure. Cependant, cette nécessité pour les créateurs de musique d’être présent sur cette application est paradoxale par rapport aux faibles redevances qu’ils génèrent.
La banque JP Morgan déclare dans une note que le taux de redevances versé à UMG par TikTok est de l’ordre de 0,5%, tandis que celui de Youtube se situe entre 4 et 5%. Elle explique aussi qu’un accord équitable entre les deux entreprises se caractériserait par un versement d’1 milliard de dollars de royalties en 2024.
TikTok campe sa position
Dans un article du 26 février, le média anglophone Music Business Worldwide expliquait avoir reçu des informations exclusives d’un responsable d’une société de droits musicaux. Ce dernier affirmait que « jusqu’à 80% du répertoire pertinent de TikTok serait affecté par le retrait du catalogue UMG». Cette information expose l’idée que sans les catalogues d’éditions et de musiques enregistrées d’Universal Music, TikTok perd la majorité des chansons populaires auprès de ses utilisateurs.
Le porte parole de TikTok conteste cette statistique. Selon le réseau social, les catalogues d’UMG ne représenteraient que 30% de la musique pertinente, et ce uniquement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Sur le plan mondial, ce chiffre serait encore inférieur. Selon lui, Universal surestime son importance quant à la quantité réelle de morceaux pertinents lui appartenant.
Universal accélère le rythme
Bien que les communications officielles de ces acteurs s’opposent, chacun rejetant la faute sur l’autre, Universal continue de faire disparaître son catalogue de TikTok. Au début du mois de février, 3 millions de morceaux appartenant à UMG s’envolaient, laissant 1,2 milliards d’utilisateurs sans aucun moyen d’utiliser les chansons de leurs artistes favoris. Désormais, c’est au tour de la partie édition, c’est à dire les titres écrits ou composés par des artistes signés chez UMPG, d’être supprimée. À compter du 1e mars, ce sont 4 millions de titres supplémentaires qui ne pourront plus être utilisés. De part le délai de reflexion que nous évoquions dans notre précédent article, les deux catalogues n’ont pas été supprimés au même moment . Le précédent contrat liant les deux entités laissait la possibilité à TikTok de disposer de 30 jours supplémentaires pour tenter de parvenir à un nouvel accord.
Pour rappel, la différence entre les branches recording et publishing se caractérise par le type de droits qu’elles couvrent. Le segment recording est chargé de produire un artiste et de distribuer sa musique. Le côté publishing quant à lui est associé à la gestion des droits d’auteur et de l’ensemble des éléments relatifs à la propriété intellectuelle.
En perdant le catalogue publishing d’Universal, TikTok risque d’être plus mis à mal qu’il ne veut le faire croire. Certains artistes n’ayant aucun lien contractuel avec la major pourraient voir leurs discographies être partiellement impactées. La raison ? Des auteurs/compositeurs ayant travaillés sur ces morceaux sont actuellement sous contrat avec UMPG. Par conséquent, un rappeur signé en distribution chez Sony Music qui collabore avec un compositeur sous contrat d’édition chez Universal, risque de voir son morceau ne pas être utilisable sur la plateforme.
Malgré la guerre d’influence entre TikTok et Universal, un nouveau compromis sur les redevances pourrait ramener les 7 millions de morceaux supprimés.