Directeur Général de Virgin Records France (anciennement Caroline France), Thomas Lorain nous a parlé de son parcours professionnel, de ses débuts dans l’export aux côtés de la French Touch à la création de la structure Virgin Records France, en passant par son rôle clé dans l’implantation de Caroline en France. Fer de lance de ce qu’on appelle « artists services », son label propose des contrats adaptés à la fois à des artistes autonomes et maîtres de leur communication et à des artistes en développement qui ont besoin de structuration. Contacté en 2014 par la branche anglaise de Caroline pour implanter la marque en France, Thomas Lorain se lance dans une nouvelle aventure. Fort d’une expérience de plus de 20 ans dans le développement international d’artistes français, il s’attelle avec Caroline à effectuer la tâche inverse : implanter des marques étrangères en France et participer activement à la distribution et à la promotion de leurs projets dans l’hexagone. Caroline/Virgin Records s’est notamment illustré en 2020 avec la signature d’un contrat avec Guette Music qui aboutira à l’énorme succès de Wejdene, certifiée disque de platine avec son album 16 sorti en septembre.
Ventes Rap : Les postes que tu occupais chez Wagram, Virgin/EMI et Naïve avant d’arriver chez Caroline avaient tous une coloration internationale. Est-ce que c’est ce qui avait motivé ta nomination ?
Thomas Lorain : C’est exactement ça. J’ai démarré en 1994. Je suis évidemment un fan de musique, mais j’ai fait une école de commerce internationale donc j’ai démarré sur l’export dans un label indépendant à tendance punk/new wave qui s’appelait New Rose (Bérurier Noir, The Cramps…). Pour la petite histoire, New Rose était rattaché à Wotre Musique Distribution, qui était un distributeur indépendant pré-Wagram. On travaillait également sur le label du producteur Jimmy Jay. Il avait notamment signé les Sages poètes de la rue. Je m’occupais de les travailler à l’export sur les marchés européens, et notamment en Allemagne où ça fonctionnait plutôt bien pour eux.
J’ai ensuite été débauché par Sony pour exporter le catalogue de la major chez des distributeurs indépendants. J’ai notamment travaillé sur les groupes 113 et NTM (sur l’album Suprême NTM). Au début des années 2000, j’ai rejoint Virgin France pour accompagner les plus gros artistes à l’international: j’étais chef de projet export de Daft Punk (Discovery, leur film Interstella 555 et Human After All) , de Air (10000Hz Legend et Talkie Walkie) et me suis occupé du développement de M83.
Au moment de la fusion Virgin/EMI, je suis parti chez Naïve au poste de directeur de l’international et du digital. Chez Naïve, c’était assez éclectique, ça allait de Carla Bruni à M83 que j ai signé à la fin de son contrat chez EMI et c’est à ce moment qu’on a eu le tube Midnight City qui a passé le million de ventes dans le Monde. Une histoire de dingue! On a sorti son album Hurry Up We’re Dreaming en distribution indépendante hors États-Unis en pilotant tout depuis la France et qui est certifié double platine.
Après un court passage chez Wagram encore comme directeur international, les équipes anglaises de Caroline m’ont contacté. Le directeur Monde de Caroline était l’ancien directeur commercial de Virgin Music UK ; il m’a appelé parce qu’on se connaissait de l’époque où je bossais Air à l’export, et m’a proposé d’ouvrir un bureau en France. Je lui demande : « Tu es au courant que j’ai jamais bossé sur le marché français ? ». Il m’a répondu : « Je m’en moque, je veux quelqu’un en France qui a une vision globale et qui peut signer des projets qui s’exportent dans le monde entier ». C’est comme ça qu’on a démarré en 2014. C’était les prémices de la distribution améliorée, qu’on appelle aussi artist services. L’objectif est de distribuer des artistes pour lesquels on rémunère des services via des pourcentages. Une sorte de label à la carte. On a démarré à 100% sur du répertoire international, car Caroline était un réseau global qui avait des bureaux dans tous les pays. À cette époque, la structure appartenait à Universal mais avait un fonctionnement relativement indépendant. On avait des bureaux séparés dans le 10ème arrondissement, quai de Valmy, et on était trois.
Ventes Rap : En arrivant chez Caroline, tu as inversé ta logique de travail à l’international, de l’export à l’import…
Thomas Lorain : C’est ça. Le truc marrant, c’est que comme j’avais l’étiquette « développement inter », en France on me voyait comme quelqu’un qui faisait de l’export, et personne ne me proposait de diriger un label. Pour les Anglais, c’était l’inverse. Je connaissais plus d’internationaux que de gens en France, notamment au niveau des médias. Les Anglais m’ont tout de suite identifié pour ce poste. Cette opportunité m’a permis de démarrer par la petite porte sur le marché français. La base du business de la musique fonctionne partout de la même manière, surtout avec le digital. Si tu es capable de monter des campagnes dans le Monde entier, tu peux le faire aussi en France. C’est au niveau des médias que j’ai dû rencontrer des gens, et ça continue! Encore aujourd’hui, un programmateur radio de province se demandait comment il se faisait qu’on ne se soit jamais vu avant…
Ventes Rap : Comment en es-tu venu à développer un véritable roster local, puis à intégrer deux labels à Caroline France (devenu Virgin Records) ?
Thomas Lorain : Je vais vous faire la frise. En 2014, on démarre avec du répertoire international : aucun catalogue ou fond de catalogue. C’était des artistes plutôt spé anglais et quelques anciennes marques US. Il y a eu une seule sortie qui a un peu fait de bruit, et encore c’est un bien grand mot, c’était la mixtape de 50 Cent, Animal Ambition. C’est littéralement tout ce qu’il y a eu cette année-là. La deuxième année, on a eu un excellent artiste australien qui venait du rock psychédélique et qui a bien fonctionné : Tame Impala, avec l’album Currents qui est or en France. Pour moi c’est un classique. Il a mis beaucoup de lumière en termes de médias et de retail digital et physique sur le label. Assez rapidement, je me suis aperçu que pour exister en France, il fallait du répertoire local. Comme les Anglais signent plutôt du répertoire à tendance rock indé, je me suis dit que je devais signer de l’urbain, car c’est ce qui montait à ce moment-là. Du rap, j’en avais pas mal écouté dans les années 1990 mais je n’étais plus au fait de tout ce qui se faisait après des années de travail sur de l’électro. Ma première directrice artistique a été ma fille qui avait 15 ans et qui écoutait 1995 en boucle. Un pote qui travaillait au digital d’Universal m’a dit : « Je connais Hologram’ Lo, le producteur d’Alpha Wann, si tu veux je te le présente ». C’est comme ça qu’en 2015, Alpha Wann et Don Dada ont été ma première signature sur Caroline en distribution. Il me fallait aussi un projet plus pop, qui me permettrait de me faire connaître auprès d’un public étendu et qui me donnerait de la visibilité auprès des médias. C’est là que j’ai fait le deal avec Imany. Alpha Wann nous faisait rentrer dans l’urbain, et Imany mettait de la lumière sur le label. Et chez Universal, ils ont commencé à se dire qu’il se passait quelque chose.
En 2016, Olivier Nusse prend la présidence d’Universal Music France. Il me demande de resserrer la collaboration avec Universal : « Ça serait bien que tu puisses incuber des projets en distribution, et quand ils sont mûrs les faire basculer dans des labels… Ou à l’inverse récupérer des projets en labels qui veulent passer en distribution. ». Fin 2016 j’ai embauché Ludovic St Roch comme chef de projet / directeur artistique urbain. Nous sommes allés à Bruxelles et avons signé en distribution Caballero & JeanJass sur Double Hélice 2 et Roméo Elvis sur Morale 2, tous 2 sortis en 2017. Morale 2 a ensuite basculé en licence chez Barclay tandis que Double Hélice 2 est resté chez nous, avant que le 3 ne finisse par sortir chez Polydor. Parallèlement, on a signé Rim’K qui a fait le chemin inverse en passant de Barclay à chez nous. C’est une collaboration incroyable, avec un artiste qui continue à performer et est toujours à la pointe au niveau artistique. À côté de ça, je me suis dit que ce serait bien d’arriver à signer de nouveaux projets qui s’exportent : il s’agira de Carpenter Brut, qui a vendu 100 000 exemplaires de son projet Trilogy dans le monde, et de Polo & Pan, produit par Ekleroshock et Hamburger Records. J’ai découvert Polo & Pan en entendant Canopée dans un diner, et ça m’a tout de suite fait penser à Air. Ça nous a pris 3 ans, on a fait évoluer le deal pour pouvoir investir à l’export et impliquer l’excellente équipe de développement international d’Universal France menée par mon ex bras droit de chez Naïve, Florian Abessira. A ce jour nous sommes à 250 000 exemplaires dont 170 000 à l‘export. Sur la fin 2017, on a commencé à être vraiment visibles. C’est à ce moment que j’ai fait le deal avec Grand Corps Malade, qui est venu en distribution chez nous.
Ventes Rap: On en vient à 2018, qui a été une très grosse année pour Caroline…
Thomas Lorain: En 2018 on a eu une année dingue. Aux États-Unis, il y a eu un changement de direction, la nouvelle équipe est vraiment partie à bloc et a signé coup sur coup 6ix9ine et XXXTentacion. Ma fille écoutait 17, sorti l’année d’avant, et les EP qui précédaient ?. Cet album, je m’en souviendrai toujours. J’étais à Amsterdam, j’ai écouté l’album dans ma chambre d’hôtel, et là, une baffe. Ça m’a rappelé la première fois où j’avais entendu Nevermind de Nirvana. L’album mélange toutes les influences du rap au rock indé américain : ça allait être énorme. En plus, ce projet avait 2 deux gros tubes : Sad et Moonlight. C’est ce qui m’a permis de me connecter avec Laurent Bouneau chez Skyrock. ? va bientôt être triple platine en France. Dans le même temps, Polo & Pan commençaient à décoller et 6ix9ine aussi. L’album de Grand Corps Malade a décroché le platine, tout comme l’album de Imany. Quand l’été est arrivé, Air Max de Rimk et Ninho a été premier du top single pendant trois mois. Après la sortie de Mutant de RimK, c’est Alpha qui nous envoie Une main lave l’autre. Je ne m’en suis pas remis de cet album. C’est un truc pur, sans aucun marketing. Que du bouche à oreille sur la qualité de ce qu’il avait écrit et des prods exceptionnelles de Hologram’ Lo.
Fin 2018, je suis allé voir Olivier Nusse et je lui ai dit « La concurrence se lance de plus en plus dans la distribution améliorée. Je vais me retrouver avec des gens qui font des offres qui ne sont pas forcément en phase avec la réalité du marché. Je pense qu’on a suffisamment fait nos preuves pour démarrer un label. » La meilleure façon de rester compétitifs c’est d’aller chercher des projets nous-mêmes, dès le départ. C’est là que Romain Toulemonde m’a rejoint comme directeur du pôle urbain, et nous avons lancé GrandLine. Nos premières signatures, c’était Youv Dee, Captaine Roshi et ISK. On a eu d’autres projets en distribution, mais ces trois là, sont les premiers en tant que label. Parallèlement à cela, Universal m’a proposé de lancer un autre label pour faire à la fois du développement live et disque. C’était Neuve, avec Oriana Convelbo qui venait de chez Warner Chappell et Virginie Dubois qui venait de chez Alias. 2019 était une année de transition. Quand tu cartonnes une année comme 2018, c’est difficile de faire la même chose l’année suivante. A la fin de l’année, Olivier Nusse me propose de mettre plus de force dans Caroline pour devenir un label frontline de Universal, de façon à être encore plus compétitif sur le marché. Il nous a confié le catalogue d’Universal UK à développer ici, et on a vraiment staffé l’équipe. Greg Debure, qui était directeur marketing de Def Jam et de Barclay, m’a rejoint comme directeur général adjoint. On est passé d’une dizaine de personnes à 20 avec une belle équipe marketing et un vrai service promo, et 3 directeurs artistiques urbains qui travaillent avec Romain : Ludovic St Roch qui est là depuis 2016 donc, Martin Malensua, arrivé avec Romain en 2019 et Myriem Gerszo qui auparavant était cheffe de projet est également passée DA fin 2020.
On aime travailler avec des indépendants et adapter les deals en fonction de leurs besoins. À la fin de l’année 2019, on avait fait un deal de distribution singles avec Guette Music. Parmi ces singles, il y a eu Anissa de Wejdene. On a alors basculé avec Feuneu d’une distribution à un deal de coproduction, pour construire avec lui l’histoire Wejdene. Dans ma carrière, une artiste inconnue en janvier 2020, qui sort un album en septembre, et qui fait disque d’or en 2 mois, je n’avais jamais vu ça. En partant du buzz TikTok, on a fait ce qu’il fallait pour qu’elle soit visible en radio et télé, puis enregistré 16 pendant l’été, avec un deuxième tube Coco et un super clip dont le lancement a fait exploser les compteurs sur YouTube avec 3 millions de vues en 24h. Parallèlement, il y a eu le tube de Grand Corps Malade et Camille Lellouche, Mais Je T’aime. On avait vendu 120 000 exemplaires de l’album de Grand Corps, Plan B, on vient de faire 250 000 en 6 mois avec son album Mesdames et je pense qu’on sera à 400 000 fin 2021. Quand Greg m’a rejoint, il est aussi venu avec Kaaris et IAM. On a donc eu 2.7.0 de Kaaris qui est sorti en septembre 2020 et qui est certifié or et continue à streamer.
Vente Rap : Le développement de Neuve a-t-il été impacté par la crise sanitaire ?
Thomas Lorain : Ça a clairement eu des conséquences, dans la mesure où ça a paralysé le monde du spectacle vivant alors que le concept de Neuve était justement de développer par la scène. Le roster du label est constitué d’artistes comme Terrenoire qui vendent plus sur la longueur et qu’il faut installer par le live. Pour autant, je suis persuadé que Terrenoire écrit de grandes chansons,et la synchro Intermarché a mis en lumière leur titre Jusqu’à Mon Dernier Souffle. Je pense que c’est un groupe qui va finir par avoir le succès qu’il mérite. Pour nous adapter à la situation, Virginie est partie créer la structure live d’Universal et préparer le retour des concerts. Oriana rejoint Caroline comme directrice artistique, au même niveau que Romain. Elle a signé Jahyanai, qui est un artiste dancehall très prometteur mélodiquement, Ashkidd, Tawsen un artiste Belgo-Marocain entre rap et chanson très fort, et Pongo, une artiste angolaise qu’on développe pour l’international.
Ventes Rap : Comment s’est opérée la distinction entre GrandLine et Neuve, qui ont développé des ADN musicaux bien distincts ?
Thomas Lorain : Là ce sont vraiment les directeurs artistiques qui ont choisi par affinités. Globalement, Caroline, maintenant Virgin Records, n’est pas un label de genre. Nous ne sommes pas spécialisés rap, électro ou chanson française. Le credo c’est de repérer des projets artistiques singuliers, avec un ADN fort, lisible. Lorsqu’on repère quelqu’un, on parie dessus pour le développer sur le long terme. C’est pour cela que c’est important que chacun ait son univers propre qui ne soit pas en concurrence avec les autres. Cela se voit dans notre roster rap: Alpha Wann, Ashkidd, Captain Roshi, IAM, ISK, Kaaris, Rim’K, YL,Youv Dee, tous sont très différents et identifiables à la première écoute.
En chanson c’est pareil, on a donc Terrenoire qui joue beaucoup avec l’électro, ou Zed Yun Pavarotti qui peut rapper mais dont la principale influence est Oasis. On vient aussi de signer un jeune qui s’appelle Allan Védé, qui fait de la chanson populaire dans la lignée de Francis Cabrel, donc très différent de Terrenoire. Et quand des artistes créent leur propre genre comme Carpenter Brut, Polo&Pan ou Vladimir Cauchemar nous n’allons pas signer ceux qui les imitent derrière.
Enfin, notre capacité à pouvoir travailler plein de styles musicaux différents, nous permet de dépasser les genres. Wejdene en est le meilleur exemple. Elle venait d’un univers urbain, mais Feuneu ne voulait surtout pas la signer dans un label de rap pour éviter de la mettre dans une case. C’est comme ça qu’on a pu faire le grand écart de Skyrock à 50 Minutes Inside dès le lancement de son premier album.
Ventes Rap : En février, Universal a annoncé la fusion de Caroline et d’une nouvelle entité, Virgin Music & Label Services. Qu’est-ce que cela implique pour tes équipes?
Thomas Lorain : En premier lieu, c’était une volonté internationale. En 2013, Universal a racheté EMI, et Virgin Music faisait donc partie des marques du groupe EMI, sans être utilisée activement. Les Caroline locaux avaient des fonctionnements assez différents. En France, nous étions les seuls à vraiment être intégrés à Universal en tant que label frontline. Sur les autres territoires, ils étaient assez indépendants. Sur certains territoires, ils continuaient ce que je faisais en 2014/2015, c’est-à-dire travailler du répertoire international, dont le mien par exemple. L’Angleterre s’est mise à signer beaucoup de rap, avec notamment Aitch, D-Block Europe, DiggaD et Slowthai. Aux États-Unis, ils dépendent de Capitol. C’était donc assez hétéroclite et Universal a envie d’unifier le système et booster la distribution. Les Caroline de chaque pays sont intégrés aux Universal locaux sous la marque Virgin Music Labels & Artists Services pour lancer un système de distribution de labels indépendants.
En France, comme Caroline était devenu un label frontline, Universal développe la partie distribution pure Virgin Music Labels & Services, et l’équipe Caroline France devient la partie label, Virgin Records. C’est amusant pour moi de me retrouver directeur général de Virgin Records en 2021, alors que j’étais chef de projet export chez Virgin 20 ans auparavant. C’est aussi une immense fierté car cette marque est mythique en France, le label d’origine des Daft Punk, IAM ou Etienne Daho. Il y avait déjà cet ADN d’artistique fort et éclectique avec une dimension internationale.
Concrètement, Caroline France devient donc Virgin Records France,un label frontline de Universal, qui reprend le catalogue de Caroline France. Nous offrons tous types de contrat autour de l’artiste. Si des projets arrivent en distribution, ce sont des marques qui ne veulent pas un autre type de contrat et qui sont donc à un niveau de ventes très conséquent, ou des producteurs avec lesquels on veut engager le travail pour ensuite faire le pari de basculer sur autre chose et avoir un objectif de ventes et de développement beaucoup plus ambitieux.
Virgin Music Labels & Artists Services est la structure de distribution pure mondiale, c’est-à-dire un réseau qui connecte avec les plateformes, qui fait du pitch et du conseil stratégique digital. L’objectif numéro 1 de cette structure est de signer des labels indépendants qui sont autonomes au niveau marketing et promotion.
Ventes Rap : Existe-t-il des synergies entre les différentes entités de Virgin Records (GrandLine et Neuve) ou au contraire chaque label est laissé très autonome de son fonctionnement ?
Thomas Lorain : L’équipe est complètement transversale, le marketing est chapeauté par Greg et moi. Tout le monde bosse pour tout le monde.
Ventes Rap : Tu sembles très attaché à établir des relations sur le long terme?
Thomas Lorain : C’est clair, c’est même une de mes plus grosses fiertés. Il y a très peu de collaborations qui se sont arrêtées. Tous les artistes avec qui j’ai démarré sont encore là. Alpha Wann a resigné ici, tout comme Rim’K, Grand Corps Malade, Imany, Polo & Pan et Carpenter Brut. Je sais que c’est rare dans le business actuel où la tendance est à beaucoup changer de structure à chaque fin de contrat.
Ventes Rap : Ce qui motive les artistes, c’est aussi peut être cette volonté de faire évoluer les contrats pour les adapter à leurs besoins ?
Thomas Lorain : On cherche en permanence à proposer l’offre contractuelle la plus adaptée et en phase avec la réalité. J’ai vu des contrats invraisemblables offerts par la concurrence et j’ai préféré ne pas rentrer dans cette logique. C’est un vrai business et pour qu’il fonctionne, on doit faire de la marge, que je puisse financer une équipe de 20 personnes et bénéficier de services transversaux de Universal. Je ne vais pas partir volontairement dans des deals à perte parce que je ne veux pas que ça aille à la concurrence. Nos deals correspondent à la réalité et nous les adaptons à nos partenaires. Certains sont complètement autonomes et faits pour la distribution, et d’autres auront besoin de plus d’accompagnement artistique et stratégique. Il peut arriver aussi que des artistes foncièrement indépendants me demandent de changer leur contrat car ils se sentent limités et veulent bénéficier de la force de frappe Universal.
Bien sûr nous prenons aussi des paris très tôt, et nous engageons sur des deals conséquent. Mais cela est basé sur une conviction forte, pas en fonction de ce que la concurrence propose ou pas. Pour conclure, je ne pense pas que ce soit juste les contrats qui font que les artistes restent chez nous. Cela fait partie d’un tout qui est une une approche compréhensive de leurs attentes et d’un travail en bonne intelligence.
Ventes Rap : Pour terminer, quels sont les objectifs de Virgin Records pour l’année 2021 ?
Thomas Lorain : Tout péter! Nous voulons que ISK atteigne au minimum le statut or avec son album Vérité. Que Youv Dee s’en approche avec sa réédition de son album La vie de Luxe. Nous voulons faire un succès mondial avec Polo & Pan qui va sortir un nouvel album cet été. Nous voulons continuer le succès de Feu! Chatterton, un groupe de rock qui a sorti en mars un album incroyable: ‘’Palais d’argile’’ qui est rentré 4è du top. Nous visons bien plus que l’or dessus, ce qui est rare pour ce style musical aujourd’hui. Nous voulons doubler la mise avec Wejdene qui vient d’être certifiée platine avec son album 16 en travaillant de nouveaux singles. Nous devons réussir le retour de YL qui a eu une super année en 2020 ou celui de Kavinsky après son énorme carton en 2013 avec son single Nightcall. Et bien sûr préparer l’avenir en développant des carrières, Victor Solf, Vladimir Cauchemar, Tawsen, Captaine Roshi, Terrenoire, Jahyanai, Pongo, Zed Yun Pavarotti, Lewis OfMan, Allan Védé… Maintenant nous avons des artistes dans tous les genres : rap, électro, rock, chanson. On veut tous les faire progresser et leur donner une visibilité sur le marché. Nous n’avons fait aucune signature pour faire joli.
Photographies : Arthur Bresset