En mars 2018, Spotify déclarait son ambition de s’implanter sur le marché indien. Il faut dire qu’au même moment, eMarketer annonçait que le nombre d’utilisateurs de smartphones y dépasserait le quart de la population globale du pays courant 2018, soit 337 millions de personnes. Mieux, la même étude projetait un taux de pénétration de 36,2% pour les smartphones en Inde courant 2022, soit près d’un demi-milliard de consommateurs potentiels pour la plateforme suédoise. Cette nouvelle étape du développement international de Spotify intervient dans un contexte de tension des relations avec les majors avec à l’horizon l’enjeu de la renégociation des accords de licence globaux conclus avec ces dernières. Le 26 février dernier, la plateforme de Daniel Ek finit par se lancer en Inde sans le catalogue de Warner Music Group mais en conservant les titres édités par Warner/Chappell, ceci malgré une demande d’injonction déposée la veille. Le cours de l’action SPOT au New-York Stock Exchange passe de 152.02$ à l’ouverture le 25 février à 138.00$ à la fermeture le 1er mars. Le 4 mars, Spotify revendique un million d’utilisateurs gratuits et payants en Inde. Si le chiffre impressionne, Chad Horner souligne sur ReadyPipe que la première semaine de la plateforme suédoise en Inde n’était que sensiblement supérieure à la consommation dans des marchés asiatiques similaires (Malaisie, Singapour, Thaïlande, Taïwan et Vietnam). Huit jours plus tard, YouTube Music est lancée dans treize nouveaux marchés : l’Argentine, la Bolivie, le Costa Rica, la République Dominicaine, l’Equateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, l’Afrique du Sud, et l’Uruguay… Mais aussi en Inde ! Le responsable musique de YouTube Lyor Cohen déclare à cette occasion : « Il est intéressant de noter que des artistes indiens ont occupé en permanence les premières places du Top Artistes global de YouTube. Avec YouTube Music, nous espérons apporter le meilleur de la musique mondiale et locale à des millions de fans indiens, et leur offrir une expérience musicale immersive avec la magie de la musique sur YouTube. »
Outre l’implantation déjà très forte de YouTube sur le marché indien, YouTube Music affiche un tarif inférieur à celui de Spotify (99 roupies, soit 20% de moins que les 119 roupies demandées par Spotify) et des accords avec les trois majors, y compris sur le catalogue de Warner/Chappell. Ce n’est pourtant ni Spotify, ni Apple Music, ni YouTube qui remportent la palme du service de streaming audio le plus populaire du pays. Dans un sondage récemment réalisé par CyberMedia Research, la plateforme du groupe Times Internet, Gaana, apparait comme privilégiée par 25% des consommateurs, suivie d’Apple Music et YouTube (20%), Wynk Music (14%). Seuls 50% des 2500 participants au sondage avaient connaissance de l’existence de Spotify. Dans ce contexte hautement concurrentiel, le rap indien pourrait constituer une cible de choix pour le nouveau venu. La semaine dernière, la tête d’affiche principale de la scène rap indienne Yo Yo Honey Singh se classait pour la 65ème semaine consécutive au Top Artistes global de YouTube avec 40.4 millions de vues hebdomadaires. Badshah occupe pour sa place la 68ème position du même classement pour la 91ème semaine consécutive, suivi de près par Selena Gomez et Katy Perry. Si la position de Yo Yo Honey Singh à cheval entre le rap et Bollywood lui confère une aura particulière, les autres tenants du genre affichent des statistiques non-négligeables : la chaîne YouTube de Raftaar cumule 164 millions de vues et plus de 2 millions d’abonnés ; Badshah 50 millions de vues et un demi-million d’abonnés sur une chaîne YouTube délaissée au profit de celle de Sony Music India ; Bohemia 130 millions de vues et 627.000 abonnés… Loin d’égaler l’audience des géants bollywoodiens, ces artistes encore largement laissés par compte par les stratégies de développement des plateformes de streaming en Inde pourraient fournir une base solide à la croissance de Spotify avec une audience majoritairement jeune et donc plus active.