Voici enfin le deuxième album de Sadek (Nique le casino étant une mixtape ou un « projet hybride »). Issu d’une génération qui était destinée à reprendre les rênes du game mais qui s’est petit à petit confrontée à la réalité. Sadek a réussi a traverser les époques malgré les obstacles, et a tant bien que mal atteint ses objectifs, et même plus. Un disque d’or suivi d’un film tourné avec la légende du cinéma français Gerard Depardieu, Johnny a fait atteindre maturité à son art et il est désormais #VVRDL mais qu’est-ce que tout cela peut bien vouloir dire ?
➡️ Vulgaire, violent, dans la continuité du personnage de Johnny Niuum
Pour comprendre le sens de cet album et sa place dans la carrière de Sadek il faut remonter à la genèse de l’histoire ou plutôt de La légende de Johnny Niuum. A son arrivée dans le game, Sadek s’est imposé (à l’instar de ceux de sa génération) comme un rappeur talentueux au travers de freestyles et autres battles. C’est en 2012 que le rappeur du 93 commence à conter l’histoire de son alter-ego Johnny Niuum, celui qu’il décrit comme un personnage « instinctif », sans concessions, voire brut. Dans la mixtape « La légende de Johnny Niuum ».
Une mixtape réussie en poche, le jeune Sadek a des idées de réussite. Pourquoi pas un disque d’or ? Pour accomplir cet objectif, Sadek décide d’enterrer Johnny Niuum qu’il trouve sûrement trop « street » pour plaire au grand public. C’est alors que de concessions en concessions nait en 2013 Aux frontières du réel, le premier album du MC. Le projet s’écoule à environ 2000 ventes en première semaine. Les avis sont mitigés sur les morceaux plus « ouverts » tels que Whats love, Tarzan ou Tonight. On ne peut pas vraiment dire que les ambitions de Sadek soient validées.
C’est alors que contre toute attente que Sadek décide d’exhumer Johnny en récupérant un style street qui aboutira en 2015 à la mixtape logiquement baptisée Johnny Niuum ne meurt jamais. Sadek s’est fait une promesse, il restera vrai avec lui-même quoi qu’il arrive. Son alter-ego Johnny semble être celui qu’il est réellement. La mixtape emprunte un style plus occulte, Johnny devient presque paranoïaque ce qu’il illustre notamment sur des morceaux comme La chute ou Le sang la sueur et les larmes.
Après s’être réconcilié avec son for intérieur, Sadek ne fait plus qu’un avec Johnny et repart en guerre plein d’orgueil dans le but de récupérer le disque d’or qui lui est dû. Pour cela, il organise un braquage. Il a décidé de Niquer le casino car comme il le dit lui-même « mieux vaut tomber que de rester à zéro ». Le Casino en lui-même peut avoir plusieurs interprétations. Ici, on préfèrera dire que le Casino est la vie et le hasard. Sadek ne laisse plus le hasard dicter sa vie, il prend des risques et fait ses propres choix quitte à ne pas plaire au plus grand nombre. Évidemment, ce dernier n’a pas abandonné ses envies de diffuser sa musique car le projet contient des titres comme Andale (à l’heure d’aujourd’hui surement son plus gros hits). Sadek semble avoir misé sur les bons numéros car NLC devient son plus grand succès commercial, le projet est certifié disque d’or.
➡️ Ravi d’être là, appuyé sur une carrière désormais solide et une meilleure gamberge
Vulgaire violence dans le thème / Mais ravi d’être là à péter des bouteilles en CB sous les yeux de la mondaine
Sadek a validé tous ses objectifs en 2016. Il revient donc en 2017, libéré de toute pression avec #VVRDL, le cinéma et son premier disque certifié. Sadek obtient un nouveau statut. Il passe toutes les épreuves nécessaires pour être considéré comme une « star de la culture française » notamment le supplice du plateau de Laurent Ruquier où il se débrouille mieux que la plupart de ses homologues rappeurs esquivant finement des questions « à risque ».
Hormis sa cover exceptionnelle réalisée par Fifou, cet album est, globalement un bon album de rap français qui réalise une bonne synthèse du travail de Sadek jusqu’ici. L’album bénéficie du très bon travail de beatmakers tels que Double X, Abis Musique ou encore DJ Kore. Ce qui interpelle le plus dans cet album, c’est l’aisance que Sadek a à poser sur des thèmes durs dans des sons à l’ambiance festive à l’instar d’un Futur dans Mask Off. Il ne serait donc pas étonnant de voir un des morceaux de l’album tourner dans les plus grands clubs de France alors que l’interprète parle de la rue ou bien de ses mal êtres physiques et mentaux.
Prenons l’exemple de Zahouania, un morceau club, Johnny Niuum se confie sur son état de santé : « J’vais pas t’mentir, j’t’avoue que des fois / Je sens moins mon cœur battre que mon foie ». Le rappeur nous sert ce qu’il fait de mieux entre les morceaux streets comme Sanz ou En leuleu, et des morceaux plus ouverts tels que Maladie, Madre Mia ou encore La vache, il s’ouvre plus aux non avertis.
Cet album sert le propos de l’artiste de Neuilly-Plaisance qui a décidé d’être un vecteur entre le monde de la rue et celui des beaux quartiers. Il a décidé de ne pas rester aveugle sur la situation de ceux qui l’entourent, ce qui donne naissance au très froid Petit prince et à la fameuse phrase « Et j’ai du mal à kiffer James Bond / Il m’rappele que l’occident tue des enfants et encule des mères dans le tiers-monde ».
Entre morceaux introspectifs, bangers de rue, musiques club et potentiels hits mainstream, Sadek livre un album solide et complet restant fidèle à lui-même. Cependant, le projet semble un poil longuet et certains sons pourraient être mieux exploités tels que La Tour. À quelques détails près, Sadek nous sort un de ses meilleurs projets. Ce n’est pas pour nous déplaire que Johnny Niuum est ravi d’être là, et on lui souhaite d’y rester pour un bon moment.