Pionnier du streaming musical, Deezer a décidé de se remettre en ordre de marche. Après une reprise de la croissance depuis le confinement, et un changement de PDG en mai 2021, la startup française a décidé poursuivre sa mutation en préparant une introduction en Bourse Pour ce faire, Deezer s’est allié avec I2PO, une holding créée par Iris Knobloch (ancienne dirigeante de WarnerMedia), la famille Pinault et Matthieu Pigasse, ancien directeur de la banque Lazard en France. Cette entrée en bourse se fera sous la forme d’un SPAC (Special Purpose Acquisition Company), une sorte de coquille vide qui permet à une société financière de se coter en Bourse. Deezer ambitionne de lever plus de 400 millions d’euros à travers cette opération. « La société issue de cette fusion disposera des fonds d’I2PO, notamment ceux détenus sur son compte séquestre ouvert lors de son introduction en Bourse, soit 275 millions d’euros », précise la SPAC. S’y ajouteront des fonds levés dans le cadre d’une augmentation de capital réservée à certains investisseurs, comprise entre 135 millions et 150 millions d’euros. La valorisation de Deezer atteindra 1,05 milliards d’euros.
Deezer en Bourse : objectif rentabilité
Créée en 2007 par Daniel Marhély et Jonathan Benassaya, Deezer avait connu une croissance fulgurante dans ses premières années, avant d’être confronté à une concurrence de plus en plus intense. La stratégie de Spotify de s’implanter immédiatement au Royaume-Uni et aux États-Unis s’est révélée décisive. Ces deux marchés très développés avaient en effet le public de consommateurs prêt à payer plusieurs dizaines d’euros par an pour de la musique. Le choix de Deezer de s’implanter dans des marchés émergents s’est au contraire révélé très coûteux. Entre temps, Apple, Amazon et Google se sont lancés sur le marché du streaming musical avec des moyens quasi illimités et un appétit d’ogre Après des années de tâtonnement, l’arrivée de Jeronimo Folgueira en juin 2021 à la tête de la licorne a remis de la clarté dans la stratégie. Si le nouveau patron reste discret en termes d’abonnés payants (la plateforme en compte 9.6 millions à l’heure actuelle), l’Espagnol a affiché un objectif limpide en terme de revenus: 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2025 (contre environ 400 millions d’euros en 2021) et enfin la profitabilité. Cette volonté va s’appuyer sur la signature de partenariats avec des opérateurs TMT dans des pays européens (comme récemment avec RTL en Allemagne) afin de pénétrer des marchés sans pour autant devoir dépenser en marketing. Une manière d’accélérer la croissance entamée depuis le premier confinement.
D’Access Industries à I2PO…
Fondée en France, Deezer a vu plusieurs changements d’actionnariat au cours de ses 15 ans d’existence. En 2008, l’entreprise accueille des fonds du Crédit Mutuel. Orange prend des parts en 2010 avec la fusion de son service Wormee. Un changement majeur d’actionnariat intervient en 2016 lorsque le fonds d’investissement Access Industries prend le contrôle de 50% de Deezer. Dirigé par l’homme d’affaire américain Len Blavatnik, Access Industries est également l’actionnaire majoritaire de Warner Music Group. En 2018, Deezer accueille 230 millions d’euros de financement de la part du fonds Kingdom Holding Company, fonds appartenant au prince saoudien Alweed ainsi que d’Orange. Cette nouvelle levée de fonds plaçait le service de streaming à une valorisation d’un milliard d’euros. L’introduction en Bourse est la dernière étape de cette ouverture progressive de l’actionnariat. Le SPAC a pour objectif l’acquisition d’une société dans un secteur précis via une société côtée. Techniquement, le SPAC I2PO et Deezer fusionnent, permettant à des petits porteurs d’acheter des parts de la société nouvellement créée en Bourse. Le SPAC aura ensuite deux ans pour acquérir définitivement l’entreprise. Deezer entre parfaitement dans les critères de I2PO, qui cible les médias services, le jeu vidéo et l’e-sport, le marché de la propriété intellectuelle et le marché du streaming musical et de podcasts.
Quelles conséquences pour les artistes ?
Contrairement à ses concurrents comme Spotify, Deezer axe son développement sur la rentabilité. L’entrée en Bourse de la plateforme fait partie d’une stratégie globale visant à l’équilibre financier. Ainsi, en janvier 2022, elle a fait le choix de simplifier son offre et d’augmenter ses tarifs, faisant passer le tarif individuel de 9.99€ à 10.99€ et le tarif famille de 14.99€ à 18.99€. Cette stratégie devrait permettre aux artistes d’obtenir une redevance meilleure sur Deezer que sur les autres plateformes au clic. Pour rappel, elle est actuellement d’à peu près 4$ toutes les 1000 écoutes sur Spotify contre 6$ pour Deezer. Un argument de poids pour Deezer, qui se revendique à la pointe pour une rémunération plus juste des artistes. Pour les professionnels de la musique au sens large, cette injection de fonds conforte la position de Deezer comme un partenaire incontournable sur le marché français. La plateforme pourra notamment investir sur le développement de nouvelles fonctionnalités, à l’instar de la récente mise en place de traductions de paroles sur une partie de son catalogue, et son expansion à l’international.
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