POUR: LES AUDITEURS ONT DROIT A LA TRANSPARENCE
A l’ère du numérique et de l’information en temps réel il parait aberrant de laisser subsister une opacité à ce niveau. l’auditeur a le droit de connaitre les ventes réalisées par les rappeurs comme il a le droit d’accéder à n’importe quelle information, et ce peu importe les conséquences qu’une telle transparence pourrait avoir. D’autant plus que ces données sont des outils pour analyser les tendances musicales et prédire leur durée, en les diffusant on permet à l’auditeur de s’en faire une idée précise. Mieux encore, ces chiffres peuvent servir à des rappeurs signés dans d’autres labels ou à des rappeurs indépendants de calibrer leur stratégie commerciale pour remédier à des ventes perçues comme faibles ou moyenne pour certains genres de musique. Un exemple simple, celui de MHD dont l’album a été certifié par un double disque de platine alors que Niska, précurseur de l’afrotrap, reste cantonné aux 10 000 ventes. Bien sûr, l’explication première de cette différence est la prise en compte récente du streaming dans les ventes, mais aussi au fait que MHD a su passer entre la période 19 Réseaux et sa carrière solo le cap du « rap de rue » pour adopter une formule plus dansante qui lui a permis de s’introduire sur tous les plateaux télé jusqu’au MoMA de New-York. De manière plus générale, la révélation des chiffres de vente de Charo Life a marqué un véritable tournant dans la perception du public et même dans les stratégies commerciales.
CONTRE: CES RESULTATS INFLUENCENT LES VENTES
En 1968, le sociologue américain Robert K. Merton théorise l’effet Matthieu (dont le nom fait référence à l’évangile selon saint Matthieu: « car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a »). Appliquée au monde de la musique, cette théorie voudrait que l’artiste qui réalise le meilleur démarrage va améliorer sa performance du fait même de ce bon démarrage parce que celui-ci crée une dynamique positive dans l’esprit du public. A l’inverse, un artiste qui réalise un mauvaise démarrage comme Zekwe Ramos avec Frapp Musiq et Dosseh avec Perestroïka (à des échelles différentes, selon les attentes du public pour chacun de ces artistes) va se retrouver dans une situation délicate où le résultat dégrade son image publique et où son projet est associé à un échec, et sera donc moins acheté par la suite. C’est un phénomène qu’évoquait déjà Gradur dans son interview avec l’ABCDR du Son: « Je me dis qu’il faut que je vende, juste pour pas que les gens se moquent de moi. […] Si maintenant t’as pas vendu, ton projet il pue. » Il n’y a aucun mal à révéler les chiffres de vente y compris détaillés en fin d’exploitation mais les révéler en cours d’exploitation perturbe de manière évidente le processus.