Avec Vie d’artiste, leur deuxième album studio paru le 3 janvier dernier chez Wati B, les quatre rappeurs du groupe 4Keus franchissent une étape à plusieurs niveaux. Musicalement, Tiakola, Bné, Djeffi Jack et KH la Paille se sont perfectionnés individuellement et collectivement et dévoilent leur projet le plus abouti. En sortant du cadre de l’afro, en s’ouvrant à une multitude d’influences hexagonales et outre-Atlantique, le groupe démontre sa volonté de durer dans le temps avec des titres à la fois actuels et de plus en plus distincts. Visuellement, le groupe franchit également un cap au niveau des clips, des réseaux sociaux ou même de la magnifique cover de Vie d’artiste signée de main de maître par l’incontournable Fifou. Commercialement enfin, l’album réalise la plus grosse première semaine des 4Keus en chiffres absolus et en volume de consommation, porté notamment par un single en collaboration avec Niska qui grimpe les charts et affiche déjà plus de 6 millions de streams premiums au compteur. Ces éléments réunis ont débouché depuis quelques semaines sur un véritable basculement des perceptions du public, qui voit d’un oeil nouveau le prometteur quatuor avec lequel nous nous sommes entretenus au cours d’une interview exclusive.
REVRSE : Vous venez de sortir l’album Vie d’artistes, quels sont les premiers retours ?
Tiakola : On a eu des bons retours parce que tout a changé : l’image, la musique, les prises de risque. Et au final, les gens ont validé.
REVRSE : C’est vrai qu’on sent quelque chose de nouveau sur ce projet, vous sortez progressivement des sonorités dans lesquelles vous vous étiez enfermés…
Tiakola : On s’est renouvelés, c’est exactement ça.
HK : On a voulu tenter autre chose.
Bné : Et puis ce qu’on faisait, ça prenait plus autant qu’au début. Le peuple demander aussi de changer. On a anticipé, on a amené une nouvelle couleur. Mais toujours mais le même état d’esprit et les mêmes thèmes !
Tiakola : En fait, il faut pas aller trop loin dans l’innovation non plus.
Djeffi : Il faut pas se perdre en gros.
REVRSE : Il faut garder une sorte de continuité dans sa démarche pour pas perdre les gens en cours de route, c’est ça ?
Tiakola : Voilà. Nous, on va pas commencer à parler de chateaux ou de trucs comme ça d’un coup. On va toujours parler de bendo, mais d’une autre manière.
REVRSE : Justement, est-ce que la tendance afro serait pas en perte de vitesse en France ? Dans votre album, on sent que vous essayez de vous en détacher.
Bné : L’afro… Ça a changé ! Il y a toujours de nouveaux trucs qui viennent et en ce moment, c’est plutôt la drill.
Tiakola : Tu peux faire de l’afro, mais pas comme avant. Par exemple sur le projet tu as Piège, ou le featuring avec Siboy…
REVRSE : Il y a un autre truc qui retient l’attention sur Vie d’artiste, c’est que vous n’avez jamais eu autant de gros invités d’un seul coup (Leto, Niska, Siboy).
Bné : Ça s’est fait comme ça, c’est plutôt au feeling. À aucun moment on s’est dit qu’on allait appeler Niska parce que ça allait bien streamer.
HK : Par exemple avec Siboy on voulait faire un son afro-bendo, et on a directement pensé aux hits de Siboy.
REVRSE : C’est un son qui est sorti en été, donc dans un contexte différent du reste de l’album…
Tiakola : Il y a plus de périodes pour faire des sons festifs maintenant, c’était avant. Si tu veux faire un son d’été au mois de décembre, tu peux le faire sans problèmes. T’as qu’à voir comment Heuss L’enfoiré et Gradur ont marché par exemple.
REVRSE : Au niveau de l’image, tu parles de quoi quand tu dis que vous avez cherché à faire un truc nouveau ?
Tiakola : Du style, du stylisme… De tout en fait.
Djeffi : Aujourd’hui, ce qu’on fait est plus professionnel.
Bné : C’est plus propre, quand tu regardes nos clips tu vois bien qu’il y a un changement parce qu’on a eu le temps de regarder, d’apprendre de nos erreurs. Il faut que les gens se reconnaissent en nous, mais en même temps qu’on vende du rêve. Par exemple on peut mettre un jogging, mais pas n’importe quel jogging.
Tiakola : En vrai la vie d’artiste c’est deux vies !
REVRSE : C’est un peu ce que vous avez cherché à montrer sur la cover de Fifou non ? Que vous restez au quartier même si en fait vous continuez de grimper…
HK : Dans le monde où on est propulsés, on garde la mentalité bendo. Et on reste fidèles au 93, c’est pour ça que c’est écrit 93 avec des pierres.
REVRSE : Les collabs avec des marques, c’est quelque chose que vous envisagez ?
HK : Bien sûr carrément, il faut voir ce qu’il y a derrière mais ça nous intéresse toujours.
Bné : S’il y a un coup de fil d’Off White, on court ! (rires)
REVRSE : En même temps que vous avez changé de registre, j’ai l’impression qu’il y a eu un vrai virage dans la perception du public.
HK : C’est ce dont on avait besoin en fait. Les scores de nos précédents projets, même si on s’attendait pas forcément à des chiffres de fou, nous ont fait comprendre qu’on avait encore besoin de beaucoup travailler. Pour celui-là, on s’est dit qu’on allait pousser le bateau jusqu’au port même sans viser une grosse première semaine.
REVRSE : Les scores des premiers projets sont arrivés à temps pour vous faire prendre conscience qu’il fallait évoluer ?
Tiakola : Ça nous a fait du bien de tomber, enfin on est pas tombés mais on a pris une petite claque et c’était un mal pour un bien. Avant, on ne calculait pas vraiment tout ce qui entourait la sortie d’un projet, dès que c’était terminé on le sortait même sans interviews.
REVRSE : Sur ce projet, vous commencez à plus vous affirmer individuellement au-delà du groupe 4Keus.
HK : Musicalement, on s’est trouvés et on est pas tous dans le même délire. Les auditeurs qui cherchent du kick vont préférer ce que je fais, ceux qui préfèrent la soul et ce qui est calme vont aimer Bné, Tiakola pour tout ce qui est chant et mélodies et pour quelque chose à cheval entre nous trois, Djeffi. C’est une alchimie.
Bné : T’as beau préférer qui tu veux, mais tu vas écouter le son en entier.
REVRSE : Au niveau des prods vous avez énormément travaillé avec 4LIFE et Tom Bonal. Comment s’est faite la connexion ?
Bné : C’est l’équipe type ça ! On s’est connus en séminaire, et ça a fonctionné directement.
Tiakola: C’est des amoureux de la musique et nous aussi on est des amoureux de la musique. Ils nous ont capté. On écoute pratiquement la même chose, ils ont ramené leur couleur mais ils nous laissent faire à notre manière.
REVRSE : Justement, qu’est ce que vous écoutez vous ?
HK : Eux c’est US, moi je connais pas grand chose à ce qui se fait là bas à part les gros noms comme Migos. Sinon, je suis que sur du rap français.
Tiakola : Moi je suis plus Young Thug, Gunna.
Bné : Moi c’est plus tout ce qui est Roddy Ricch, Future, toute cette vibe là. Un peu street, un peu posé, mélodieux…
Djeffi : Moi j’écoute tout le monde, surtout en français.
Tiakola : Sinon en ce moment il y a les londoniens qui arrivent là…
REVRSE : Tu m’en parlais déjà tout à l’heure, est-ce que c’est un délire qui pourrait vous intéresser ?
HK : Bien sûr, on a une conversation sur Snapchat et à chaque fois qu’un son drill sort on se dit qu’il faudrait faire ça. Ça peut nous correspondre je pense.
Bné : De toutes façons depuis que Drake a fait ça tout le monde va s’y mettre.
REVRSE : Au niveau du style et de l’image, Drake c’est quelqu’un qui vous inspire ?
Tiakola : Au niveau des sapes ça serait plus A$AP, et pour les clips peut-être Travis. Et en France PNL.
Bné : Moi je regarde plus les cainris aussi, surtout pour les sapes. Mais en France il y a SCH qui est très fort à ce niveau là.
HK : Pour l’image, on travaille beaucoup avec le même caméraman. Il nous envoie un synopsis, on rajoute les éléments qu’on a comme idées, on fait suivre aux chefs de projets et la styliste va trouver quelque chose d’adapté.
REVRSE : Dans vos clips, vous créez des ambiances. On dirait qu’on est avec vous, dans votre délire.
HK : On fait pas exprès. C’est pas qu’on a plus la joie de vivre que d’autres mais si la caméra est là on va pas broyer du noir. À part si c’est un son dans ce délire là. Tu peux pas danser sur n’importe quoi non plus.
REVRSE : Cette décennie, c’est la votre ?
Bné : Oui, espérons ! (rires)