Le 25 avril dernier, le Syndicat National de l’édition phonographique (SNEP) annonçait qu’à compter du vendredi 27 avril au soir, seules les écoutes réalisées à partir de comptes payants sur des plateformes de streaming seraient prises en compte dans le calcul des ventes d’albums, excluant ainsi les auditeurs ne disposant que de comptes gratuits financés par la publicité. Cette décision, visant selon le SNEP à faire correspondre les chiffres de vente aux revenus générés par les écoutes, aura eu un impact plus modéré qu’escompté pour plusieurs raisons. La première, invoquée par le SNEP dans son communiqué, est que les comptes payants sont désormais majoritaires sur le marché français, une étape vers la maturité de ce mode de consommation encore en plein développement dans l’hexagone (en comparaison, les comptes payants représentent 96% du marché du streaming musical en Suède). La seconde est que le volume de consommation est plus important de la part de comptes payants que de la part de comptes gratuits. Ce second élément d’explication est lié au comportement des consommateurs payants, mais aussi à des facteurs plus techniques comme l’impossibilité d’écouter l’intégralité d’un album depuis un mobile connecté à un compte gratuit, ou la nouvelle formule gratuite de Spotify qui laisse la part belle aux playlists.
Pour déterminer l’impact concret de cette décision sur les ventes des artistes de musiques urbaines, il convient de considérer l’évolution de quatre albums du début du mois d’avril à la fin du mois de juin, de manière à avoir une idée précise de l’impact de la décision sur l’évolution de leur exploitation. L’intérêt de cet échantillon réside dans le décalage des dates de sorties des différents projets sélectionnés (24 novembre pour Gentleman 2.0 de Dadju, 9 mars pour Loud de Marwa Loud et 23 mars pour Ceinture Noire de Maître Gims et MILS 2.0 de Ninho), mais aussi dans la variété de la composition de leurs ventes en première semaine, des 88% d’équivalents streaming de Ninho aux 61% de ventes physiques et de téléchargements de Maître Gims en passant par les 67% d’équivalents streaming de Marwa Loud et les 71% d’équivalents streaming de Dadju. Le premier constat résultant de l’étude de l’évolution des ventes des quatre albums précédemment cités est que contrairement aux termes de son communiqué, le SNEP a cessé de comptabiliser les streams gratuits à compter de la semaine 17, soit à compter du vendredi 20 avril et non du 27 avril. En semaine 18, chacun des quatre albums sélectionnés enregistre une baisse s’inscrivant dans l’évolution normale de son exploitation, c’est-à-dire 5% pour Ceinture Noire, 18% pour MILS 2.0, 7% pour Gentleman 2.0 et 12% pour Loud. En semaine 17 en revanche, on constate une baisse de 32% pour Maître Gims, 47% pour Ninho, 30% pour Dadju et 34% par Marwa Loud ; des chiffres manifestement plus à même de traduire le passage à une comptabilisation excluant les comptes gratuits. En observant l’évolution des ventes de chaque album sur les semaines précédant la semaine 18, on peut déduire une fourchette de l’impact de 10% à 15% pour Maître Gims, de 20% à 25% pour Ninho de 15% à 20% pour Dadju et de 20% à 25% pour Marwa Loud.
— Ventes Rap (@VentesFRap) June 22, 2018
Damso a écoulé 61.382 albums en première semaine et son score en streaming constitue 71% de ce total. Ce pourcentage ne comprend que les écoutes réalisées depuis des comptes payants, ce qui réduit logiquement la part du streaming dans le total. Le score en streaming de Damso le situe donc entre Ninho et Dadju, ce qui permet d’estimer l’impact de l’exclusion des écoutes gratuites à 20%. Par conséquent, le score de Damso avant le changement de comptabilisation du streaming aurait été d’approximativement 76.728, c’est-à-dire dans une fourchette de 75.000 à 80.000 ventes en première semaine. En comparaison, Ipséité s’est vendu à 43.116 exemplaires en 2017 !